600 médecins déposent plainte contre Agnès Buzyn et Edouard Philippe. Ils leur reprochent leur gestion de l’épidémie du coronavirus et dénoncent un « mensonge d’État ».
Depuis plusieurs années, les relations n’étaient pas au beau fixe entre le monde hospitalier et les pouvoirs publics. Mais avec l’épidémie de Covid-19, le divorce semble définitivement consommé. Par l’intermédiaire du collectif C19, 600 praticiens déposent une plainte contre Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé, et Edouard Philippe, Premier ministre, en raison de leur gestion de la pandémie.
Une interview d’Agnès Buzyn scandalise
Tout est parti d’un entretien accordé au Monde par l’ancienne ministre de la Santé le 17 mars dernier. Elle y avoue qu’au moment de quitter son ministère pour briguer la mairie de Paris, elle « pleurai[t] parce qu'[elle] savai[t] que la vague du tsunami était devant nous ». Elle s’est même prononcée contre la tenue des élections : « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade ». Elle affirme également avoir alerté le directeur général de la santé dès le 20 décembre sur la situation en Chine, d’avoir prévenu Emmanuel Macron par texto le 11 janvier, et d’avoir expliqué à Edouard Philippe le 30 janvier que les élections ne pourraient pas se tenir. Cela ne l’a pourtant pas empêché de faire campagne et de déclarer le 24 janvier que « le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible ».
« En substance, elle explique qu’elle savait tout et n’a rien fait » estime Me Fabrice Di Vizio, l’avocat des 600 médecins, dans une interview donnée au Parisien. « Elle dit avoir averti le gouvernement de l’imminence et de la gravité du péril. Ce qui jusque-là pouvait encore passer pour de l’incompétence relève pour de la pure inconscience ». Ainsi, les plaignants n’hésitent pas à accuser le gouvernement de « mensonge d’État ».
La colère du personnel hospitalier
Les plaignants reprochent donc à l’exécutif de s’être « abstenu » de prendre des mesures rapides et radicales pour endiguer le virus. Selon eux, il aurait fallu ordonner l’achat immédiat d’équipements de protection et de tests contre le coronavirus dès l’alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a qualifié l’épidémie d’urgence de santé publique internationale le 30 janvier. Par ailleurs, ils dénoncent des mesures de confinement prises trop tardivement par le gouvernement.
Avec sa plainte, désormais entre les mains de la Cour de justice de la République (CJR), Me Fabrice Di Vizio espère pouvoir faire appliquer l’article 223-7 du code pénal qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant […] de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes ».
Mais au-delà de la sanction, c’est la remise à plat du système de santé que le personnel soignant appelle de ses vœux. La pandémie de coronavirus vient éclairer des années de conflit entre les pouvoirs publics et le monde de la santé qui demande plus de moyens, plus de personnel et plus de lits. En témoigne une banderole prémonitoire déployée lors d’une manifestation de soignants à Paris le 17 décembre dernier « L’État compte les sous, on va compter les morts ». Aujourd’hui, alors que trois médecins atteints du Covid-19 sont décédés ce week-end, le point de non-retour semble atteint.