L’Etat français a passé une commande de 10 000 respirateurs au groupe Air Liquide. Mais selon Radio France, 8 500 d’entre eux seraient inutilisables, voire dangereux.
La gestion du coronavirus par les autorités sanitaires aura été jonchée de couacs. Après la polémique des masques, ce sont désormais les respirateurs qui font débat. Fin mars, une alliance composée du groupe Air Liquide, PSA, Schneider Electric et Valeo se donne pour objectif de produire 10 000 respirateurs artificiels à la demande de l’Etat. Une enquête de Radio France dévoile aujourd’hui que 8 500 d’entre eux seraient inadaptés aux malades atteints du Covid-19.
Des respirateurs inutilisables en réanimation
Au moment où l’Etat passe commande, le groupe Air Liquide Medical Systems, seul fabricant français de respirateurs artificiels, travaille déjà sur la fabrication d’un millier d’appareils dit « T60 », utilisables en service de réanimation. Le gouvernement demande alors 5 000 modèles T60, ainsi que 5 000 respirateurs Osiris 3, plus basiques. Mais le T60 étant complexe à assembler, Air Liquide suggère d’en fabriquer 1 600, et de compenser avec 8 500 Osiris 3.
Sur son site internet, Air Liquide décrit l’Osiris 3 comme étant un « ventilateur de transport léger et simple d’utilisation ». Il s’agit en effet d’un respirateur utilisé essentiellement dans les ambulances dans le but de gérer l’urgence, mais en aucun cas en réanimation. « Si vous vous en servez pour un syndrome respiratoire aigu, vous avez un risque de tuer le patient au bout de trois jours. Parce que ce n’est pas fait pour ça. Les malades du Covid ne sont pas faciles à ventiler » explique Philippe Meyer, médecin-réanimateur à l’hôpital Necker à Paris. Selon lui, « on peut s’en servir pour transporter un patient une demi-heure pour un scanner, mais c’est le maximum qu’on puisse demander à cet appareil ».
Le ministère de la Santé et le centre de crise sanitaire eux-mêmes, dans une note transmise aux hôpitaux et révélée par l’enquête, classent l’Osiris 3 dans la cinquième et dernière catégorie des appareils pouvant être utilisés pour traiter les malades du coronavirus.
Les autorités sanitaires se défendent
Le groupe Air Liquide s’étonne, et précise que « le choix final de l’Osiris a été fait sur recommandation des experts du ministère de la Santé, et de la Société de réanimation de langue française ». Ce que réfute Martin Lavillonnière, le directeur administratif de cette dernière.
Le gouvernement, quant à lui, assume un « choix de prudence ». Par communiqué, il fait savoir que « la commande passée à Air Liquide l’a été à un moment où le nombre de patients admis en réanimation continuait de croître très rapidement, et où il apparaissait absolument nécessaire de sécuriser la capacité à armer un nombre de lits de réanimation beaucoup plus important ». Du côté du cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances qui a piloté la commande, on assure que « se posait la question de produire en un temps record dans un contexte où les chaînes logistiques sont fortement impactées par le ralentissement de l’économie ».
Sur Twitter, le ministre de la Santé dénonce des « polémiques vaines et malvenues », et affirme que « les 10 000 respirateurs commandés à Air Liquide sont utilisables ». Ainsi, la France devrait être dotée de 15 000 respirateurs de réanimation et autant de respirateurs d’urgence d’ici fin juin. Mais quoi qu’il en soit, c’est un nouveau caillou dans la chaussure du gouvernement français.